@ Framon : Si cet échange se poursuit, ne devrait-il pas faire l'objet d'une rubrique à lui seul ?
C'est peut-être excessif, mais dans les « sujets divers », il pourrait y avoir une rubrique « Gestion de la couleur » dans lequel on pourrait mettre un échange « Imprimer avec ZOR »... si ZOR nous permet de conclure.
En attendant, je peux donner mon avis sur un certain nombre des propos que tu rapportes dans ton dernier message.
Tout d'abord, Adobe-98 est plus gros que tu penses, il est quasiment moitié plus gros que sRGB. Quant aux 16 millions de couleurs, ça ne veut dire grand chose en pratique... En fait, ce qui compte, ce sont les nombres de couleurs
discernables. On travaille dans un système où les couleurs sont repérées par des «composantes » (RVB, TSL, Tab, XYZ, etc...). On part d'une couleur donnée et on augmente délicatement l'une des composantes. Au début, on ne voit pas de différence, puis, oui, ça y est, on peut distinguer la nouvelle couleur de la couleur de départ ; on dit que les deux couleurs sont
juste discernables. On recommence avec les deux autres composantes et on obtient ainsi deux déplacements pour aboutir à deux autres couleurs juste discernables de la couleur de départ. De proche en proche, on réalise ainsi un pavage de l'espace des composantes, le passage d'un nœud de cet espace à un nœud voisin faisant à chaque fois passer d'une couleur à une couleur juste discernable de la première couleur.
Ensuite on fait des enquêtes socio-physiologiques pour savoir à quel point ce concept d'écart entre couleurs juste discernables correspond à quelque chose de bien partagé d'un individu à un autre ; en d'autres termes, sépare-t-on les couleurs à peu près tous de la même façon ou pas ? La réponse est oui (avec une certaine dispersion, évidemment, on peut s'entrainer à ce petit jeu et augmenter ses performances).
Après, il y a une question d'uniformité de ce pavage. En RVB, il n'est pas du tout uniforme. Si on reste sur l"axe des rouges, on ne voit que de 10 à 20 rouges différents quand R varie de 0 à 255. Par contre, sur l'axe des gris, on peut en distinguer une centaine ; en d'autres termes, ce pavage est 10 à 20 fois plus tassé le long des gris que le long des couleurs primaires pures. La naissance du système LAB est lié à cette remarque, on a cherché un système de composantes pour lequel les couleurs juste discernables formeraient un pavage cubique régulier. On n'a pas vraiment réussi, mais c'est ce qu'on a fait de mieux. On passerait ainsi d'une couleur à une autre juste discernable, en variant d'une unité sur chacune des composantes L, a, et b. Finalement, ce qu'on appelle le «nombre des couleurs» d'un espace colorimétrique donné est le volume de cet espace quand on le représente dans le système Lab ; c'est le nombre des pavés élémentaires à l'intérieur de cet espace. C'est 832000 pour sRGB et 1207000 pour Adobe-98, 45% de plus (et non pas 32). Mais bon, il ne faut pas prendre ces chiffres comme des comptages réels de couleurs discernables, c'est juste un ordre de grandeur, il y a «nettement» plus de couleurs dans Adobe-98.
Ensuite, la question qui fâche, faut-il travailler en Adobe-98 plutôt qu'en sRGB ? Je partage grandement l'opinion de Framon. Les moniteurs à grand gamut (c.à.d. qui affichent toutes les couleurs de Adobe-98 ou presque) sont maintenant moins chers qu'il ne le pense (quelques centaines d'euros, pas des milliers), mais ils ne sont pas encore très répandus chez le photographe de base, ou même, je pense, parmi l'ensemble des visiteurs de ce forum. Par ailleurs, les couleurs très saturées hors sRGB sont très rares dans la vie de tous les jours — il faut vraiment les chercher, et quand on les a trouvées, il est encore plus difficile de les imprimer et on ne peut pas les partager. Autrement dit, pour en faire l'expérience, il faut physiquement aller les voir. Je pense que ça m'est arrivé avec des bleus extraordinaires du Greco que j'ai vus dans un musée de Tolède ; plus près de chez nous, on en rencontre dans certains vitraux, j'ai essayé
de raconter ça ici . Mais en dehors de ces expériences extra-ordinaires, on peut vivre avec sRGB. A mon avis, la pression médiatique pour imposer Adobe-98 tient d'un certain intégrisme intellectuel. Et si vous avez peur de laisser des couleurs extra-ordinaires échapper à votre appareil, photographiez plutôt en JPEG+RAW ; si par hasard vous soupçonniez l'une de vos images d'abriter ce genre de couleurs, vous auriez toujours le RAW pour tenter de les débusquer et de les mettre dans vos fichiers de sortie... sans garantie ensuite que quiconque puisse y accéder.